A travers le petit récit ci dessous nous allons essayer de vous faire partager notre « ressenti d’Haïti ». Nous vous souhaitons une bonne lecture et nous pourrons répondre à vos questions par internet. Au plaisir de se revoir. Continuez de suivre les actions de Ti’moun sur notre site http://association-timoun.fr/
Sincèrement dans la solidarité
Catherine et Marcel
DE RETOUR D’HAITI….
Après de nombreux séjours en Haïti, l’accueil de nos amis haïtiens est toujours très chaleureux.
Quand l’avion est en vue du terrain d’atterrissage on le sent, ça bouge souvent un peu, on peut tourner un moment au dessus de Port au Prince surtout si le temps est à l’orage. Lorsque l’avion touche la piste, on le sent bien aussi et des applaudissements spontanés font savoir au commandant de bord qu’il a fait ce qu’il fallait et que nous sommes bien là. Lorsque l’équipage ouvre la porte donnant sur la passerelle, quelle bouffée de chaleur !!! Il nous passe comme un frisson. Ça y est on est dans le bain. Les bâtiments de l’aéroport, les postes de contrôle, les escalators: tout est neuf (suite au séisme de 2010). Dès que l’on rentre un groupe de musiciens nous accueille avec une musique typique d’Haïti ; que l’on se sent bien dans cette atmosphère tellement exubérante et chaleureuse. Maintenant, tout se fait dans l’ordre, ce qui n’était pas le cas avant le séisme y compris la prise de chariots pour les bagages que l’on paie certes mais sans être alpagués du moins à cet endroit. Lorsque nous avons récupéré nos gros sacs et passé à la douane sans trop de problèmes ; il nous faut déjà nous habituer à l’approche de nos amis haïtiens qui bien que courtois sont très envahissants. C’est là que nous dressons la tête afin de s’assurer de la présence de notre ami Tony qui vient nous chercher. Ouf ! Il est là comme toujours et quelle joie de se retrouver. Nous sommes accompagnés de très près par nos porteurs, guides qui nous collent les baskets jusqu’au véhicule et attendent leur pourboire. A ce moment là c’est Tony qui prend la direction des opérations, les bagages sont chargés promptement ainsi que nous ; nous fermons à clef les portières: vous le comprenez nous ne flânons pas.
Direction La Vallée, d’abord nous traversons Port au Prince, tout est particulier : les odeurs, la luminosité, la foule dans les rues, la poussière, les vieilles voitures, les bus colorés, les tap-tap, les klaxons, les motos, la courtoisie, les bouchons, le bruit… Du monde tout le long des rues et notamment beaucoup de piétons, on se demande d’où ils viennent et où ils vont. Pour certains, nombreux, ils ont leur boutique sur la tête, à savoir un plateau dans lequel est entreposé un bric-à-brac de produits à vendre. Ils marchent, ne sont pas fixes donc cela leur évite de payer une patente. D’autres ont des petits étals sur le bord de la route. Tout cela dans la poussière, les pots d’échappement de la circulation dense et très polluante, il y a aussi ceux qui sont assis sur des fatras (détritus) non ramassés qui vendent les produits comme sur un marché. C’est très étonnant tous ces fruits et légumes colorés à même le sol. En plus il y a les odeurs indéfinissables mais cependant pas répugnantes si nous savons faire abstraction de cette présentation. Il y a aussi beaucoup de petits artisans : réparateurs de roues, menuisiers, coiffeurs, marchands de charbon abrités seulement d’une tôle, ils travaillent parmi les passants sur les trottoirs. Cette activité est présente de jour comme de nuit où ils s’éclairent à la bougie. On a l’impression que cela ne s’arrête pas. En effet on sait aussi qu’ici des gens vivent dans des espaces tellement réduits qu’ils se relaient quelque fois pour dormir, ajoutons à tout cela des klaxons (pour se signaler mais pas agressifs), des musiques dans les petits bus, dans les boutiques. Tout cela semble anarchique car extrêmement bruyant, mais en réalité tout a son code et n’est pas destiné à apporter des nuisances mais une façon de vivre représentant très bien le tempérament haïtien : souriant, parlant beaucoup et fort, avec des gestes ; on les sent « bouillants ». Que d’énergie il leur faut pour affronter quotidiennement leurs conditions de vie. Pensons aussi qu’ils vivent tout cela avec des jours de pluies battantes, du vent ou un soleil de plomb, des égouts bouchés, de nombreux détritus et des chaussées défoncées. Tout cela c’est la capitale Port au Prince.
Après le séisme de janvier 2010 qui a fait 300 000 morts, de nombreux blessés et de nombreux sans abris. Comme tout le monde on a trouvé que les travaux de déblaiement et de reconstruction tardaient. Aujourd’hui qu’en est-il ? Dans la capitale le déblaiement est pratiquement terminé. Pour les reconstructions il a fallu tenir compte des normes anti-sismiques, donc des études complexes et longues. S’ajoute à cela, la volonté du comité gérant l’après séisme que les dons effectués par la communauté internationale soient employés à bon escient et contrôlés. Il semble qu’à ce jour certaines garanties puissent être apportées. Les rues sont élargies, les trottoirs et canalisations sont faits ou en cours, un gros échangeur est en construction. Des bennes ont été installées dans les rues et sont vidées régulièrement par des camions. Des feux de signalisation solaires ont été mis en place. L’aéroport a été refait et modernisé ; des maisons de particuliers sont réparées ou en cours. De même que des bâtiments plus importants tels qu’écoles, hôtels, banques et ministères sont en cours de reconstruction.
Pour ce qui concerne l’association Ti’moun dont l’action principale se situe à Ternier, grâce à des dons elle a pu construire 65 maisons de 24 m2 et en réparer une douzaine.
Dans tout le pays des infrastructures routières se mettent en marche, ponts, pistes transformées en routes, construction de nouveaux aéroports et autres aménagements tels que le bord de mer à Jacmel où une promenade piétonnière a été faite.
Sans rentrer dans des considérations politiques nous sentons que le pays bouge, des orientations semblent être prises en compte et seront certainement une source de développement. A cela il faut ajouter des améliorations liées à la sécurité qui pourront à l’avenir rassurer les touristes.
Après avoir quitté Port au Prince, traversé sa banlieue qui elle aussi est dans les mêmes conditions que la capitale nous faisons route vers Jacmel, petite ville du bord de mer au Sud-est de l’île distante de 82 km soit 3 heures de route. Tout au long de notre trajet, nous croisons, suivons et dépassons des fourgonnettes (tap-tap), des camions et des bus très très chargés. Il n’est pas rare de voir des hommes voyager accrochés sur le marche pied arrière du véhicule et même sur le toit. Les gens sont tassés. Il y a parmi eux beaucoup de petites marchandes qui viennent de la campagne et vont vendre à Port au Prince leurs fruits et légumes et ceux qu’ils ont acheté dans leur quartier. A la capitale elles achètent : des cubes « maggi », des bonbons, des bougies… et de retour dans leur village, elles les proposeront à la vente dans une grande bassine sur le bord des chemins. On a donné à ces marchandes le nom de « dame sarah » c’est le nom d’un oiseau local qui à leur image parle toujours et très fort !!!
Il nous faut ensuite traverser une rivière, ce sera mieux demain car un pont est en cours de construction. C’est un grand ouvrage conçu et suivi par une entreprise chinoise. Avec ce pont nous ne serons plus jamais coincés d’un côté de la rivière en crue. Il nous reste encore du trajet : 15 km de piste faits en 4×4 soit environ 1 heure 1/2. Pour traverser la commune montagneuse de La Vallée jusque la zone de Ternier à 800 m d’altitude. Cette piste est entrain de devenir un axe routier important financé par le Guatemala, les moyens techniques sont très importants. Des bulldozers, des niveleuses, des tractopelles, des camions sont pilotés par des ouvriers haïtiens. On note aussi que dans cette région montagneuse l’eau doit s’évacuer correctement. Près de 200 ouvriers haïtiens sont employés à réaliser des caniveaux et buses nécessaires. Pensons aussi que ces travaux sont effectués sans couper la circulation et que chacun doit prendre son mal en patience. Le résultat en vaut la peine.
Avant d’arriver à notre point d’ancrage à Ternier au lieu dit La Maison du Bonheur nous traversons Ridoré le point central de la commune de La Vallée avec son commissariat de police, son tribunal, sa banque-coopérative, ses deux hôtels, son église, son dispensaire, une petite épicerie, sa boutique « trouve-tout » et le marché couvert très animé le vendredi et où la vente se fait dans de bonnes conditions (pas de fatras partout). A Ridoré, de grands travaux de voirie ont été faits, maintenant il y a des trottoirs et les rues ont été élargies et bitumées pour la plupart, quelle transformation en trois ans.
La Maison du Bonheur c’est là que depuis 1998 nos actions sont plus particulièrement réalisées, tout d’abord les parrainages, qui sont à ce jour de 520. Le suivi est assuré en France par Colette et en Haïti par Tony et Emma aidés pour Port au Prince de Arita et de Myrline pour Jacmel. En contre partie du parrainage d’un enfant, une journée par mois un service est réalisé par la famille (service rendu). Le parrainage permet : la scolarisation (avec son uniforme et son matériel scolaire), un repas à la cantine, un suivi santé.
Les enfants grandissent et nous rencontrons quelques problèmes pour leur orientation. Lorsque les jeunes doivent aller à l’université, les transports, les inscriptions, les loyers sont très chers et le parrainage ne suffit pas. L’association apporte un soutien financier complémentaire à travers les parrainages « jeunes » non nominatifs. L’autre problème ce sont les élèves à partir de la quatrième qui est une fin de cycle comme la troisième chez nous, les écoles professionnelles sont rares et souvent n’acceptent les élèves qu’à partir du Bac. Nous cherchons des solutions pour l’apprentissage des jeunes qui nous semble essentiel et sans solution actuellement car pas d’apprentissage chez un patron et une seule école pour CAP ou BEP à Port au Prince.
Nous effectuons un suivi précis du projet « petits paysans » mené conjointement par le Conseil Général de la Manche et l’Association Ti’moun. Ce projet qui épaule 500 familles dans deux zones de Ternier et Laviale est pris très à cœur par la population. En contrepartie du support apporté : achat d’un cochon, d’outillage, de semences, de poulets, les bénéficiaires restituent à d’autres familles l’aide qui leur a été fournie en donnant un ou deux cochons sur la portée qu’ils ont eu, un peu de leur semence mise en graines. Pendant ce séjour, nous avons pu vérifier que ce projet était bien suivi sur place par l’agronome Julio, nous avons rencontré les membres du Comité, les responsables de chacun des dix groupes (cinq à Laviale et cinq à Ternier) qui ont été constitués avec les 500 bénéficiaires de ces zones. Nous mesurons l’enthousiasme que chacun met dans son rôle de «soutenir pour mieux repartir ». Nous travaillons sur ce projet depuis 2011 et c’est plus de 1 000 familles qui sont maintenant concernées.
Le conteneur envoyé comme chaque fin d’année vient d’arriver. Il a été déchargé et la distribution des produits est en cours. Comme chaque année les colis de Noël sont distribués par l’équipe du Conseil d’Administration qui va sur place en janvier. Le matériel scolaire a été réparti par les responsables d’activité Ti’moun pour cinq écoles de La Vallée. Des produits d’hygiène ont été distribués à chaque enfant des écoles, les produits alimentaires (pâtes, riz et lait) seront gérés par Tony et Emma en fonction des besoins. Cependant la valeur de deux repas (pâtes, riz et lait) a été donnée pour les écoles de Paulette et de Mme Thomas. Lors de nos rencontres des parrainés de Jacmel et de Port au Prince nous avons remis à chaque enfant : 1 sachet de riz et 1 savon. Tous ces produits ne couvrent pas tous les besoins mais c’est un plus que petits et grands apprécient. Nous remercions les donateurs que nous ne manquerons pas de solliciter pour le prochain conteneur. Des petits tapis de sol en mousse appelés ici Ti’mousse sont très appréciés car ils permettent de ne pas coucher à même la terre et isole de l’humidité: un de ces tapis a été remis à chaque grand parrainé. L’ensemble des produits listés par Tony et Emma nous permettent de mieux cibler les besoins. Aujourd’hui l’urgence est le papier A4, les stylos et les crayons à papier, chacun peut se mettre en recherche de ces produits dès maintenant.
L’eau à proximité avec la pompe solaire immergée apporte un mieux être aux femmes et aux enfants qui n’ont plus à faire de longues et pénibles marches. Tony a bien pris en compte la nécessité d’entretenir le matériel.
Pendant notre séjour, les infirmières Miss Céline et Miss Casimir ont assuré leur consultation mensuelle, nous leur avons remis des carnets de santé pour un meilleur suivi des enfants.
Avec la prévention mise en place, il n’y a pas de problème particulier de santé, les enfants vont à l’école et au travers du parrainage c’est l’ensemble de la famille qui est soutenue. Avec Emma nous constatons qu’il n’y a presque plus de mortalité chez les enfants. Nous avons rencontré au dispensaire le docteur René un médecin gynécologue américain d’origine haïtienne qui fait des vacations régulières à La Vallée. Nous avons convenu avec lui qu’à sa venue avec son équipe en février Rénato (aide soignant Ti’moun) lui présentera une liste issue des 210 bénéficiaires du planning familial pour qu’il les ausculte sur le thème du dépistage du cancer du col de l’utérus qui est fréquent et très mortel ici alors que de nombreux cas dépistés à temps seraient fréquemment soignables d’après lui.
Ici à Ternier, pourvu qu’il y ait le minimum pour vivre la vie est sans comparaison avec la vie tumultueuse de Port au Prince où les manifestations sont nombreuses. Il est vrai que la vie est très chère et que les gens n’ont pas d’argent, mais il y a tant à faire !!! Il nous semble que le gouvernement fait le maximum en commençant par investir dans les infrastructures qui étaient inexistantes et essentielles pour les échanges, mais cela ne donne pas à manger … Donc tension permanente dans la capitale et contrastante avec la vie paisible à La Vallée où la végétation est tout de même présente, où les cultures donnent de plus en plus de résultats, où la température est agréable. Nous côtoyons les gens d’ici depuis quatorze ans, nous avons ensemble tissé des liens affectifs qui font que notre présence périodique est comprise même si elle consiste aussi à vérifier avec Tony, Emma et les responsables d’activité le fonctionnement des actions entreprises.
Les enfants vont à l’école, jouent, mangent et nous n’entendons plus comme dans le passé des petits nous dire « grand goût » (j’ai faim). Petite est notre association mais grands sont les résultats, les parents savent nous le faire ressentir.
Merci « ampil » (beaucoup) à nos amis haïtiens et spécialement à Emma et Tony de nous permettre de vivre cette aventure ensemble.
Nous repartons comme d’habitude en laissant un peu de nous même ici, non sans être bien sûr repassés par Port au Prince en 4×4 (avec la vigilance constante de Tony pour notre sécurité) – l’avion – le taxi – le train – la voiture et le retour bien fatigués mais ravis auprès de notre famille. Nous reviendrons «dans pas trop longtemps» et nous espérons continuer à constater que ça va un peu mieux en Haïti.
Catherine et Marcel, décembre 2014.